l'évidence sereine

J'ai grandi avec cette certitude ; que chacun d'entre nous étions le préféré de nos parents. Qu'il n'y avait pas de différence dans nos unicités.

C'était une évidence. Qui aujourd'hui est toujours aussi forte, aussi présente.

Il a fallu combien de dictats, de jugements extérieurs et internes, de normes et de barrières, pour que le monde parvienne à me faire croire à l'inverse en dehors de ma sphère familiale ? Combien de regards, combien d'évidences à ne surtout pas combattre pour diviser les amours, les formes, et sacraliser celui "du partenaire amoureux" ?

Je me défais peu à peu de ce qui ne m'appartient pas. Je rend au monde ses dictats. J'enlève petit par petit, les couches de vêtements qui empesantissent mes pas. C'est dur quand même parfois.

J'ai grandi dans une perpétuelle dualité, que je me suis forgée. Etre et ne pas être. Dansant d'un choix à l'autre pour ne pas faire de choix. Le "et" devient mon choix aujourd'hui. Et j'apprend à concilier l'hier et l'aujourd'hui. Me débarrasser des vêtements qui m'ont construit.

Alors parfois je remet le nez dans un vieux châle. J'appréhende de ne savoir que mettre à la place ; je lui confie mes peurs, mes angoisses, m'y réfugie...Ecoute ma jalousie, mon mal de moi, m'étrangle avec mon châle dans lequel je me sens si bien.

Peu à peu, m'apprendre à le chérir pour ce qu'il m'a fait grandir. Et le déposer sagement. Entendre l'évidence sereine, que nous sommes tous, y compris moi, les préférés .De même qu'ils le sont tous, et chacun, mes préférés.